Que peut-il bien se passer dans la tête d’une femme qui vient de rencontrer son amant rêvé mais va partir durant un long moment ? Comment peut-elle envisager de rendre cette parenthèse magique aussi inoubliable pour lui que pour elle ? Jusqu’où est-elle prête à aller pour lui donner le plaisir qu’il mérite ?
Ce sont quelques interrogations parmi toutes celles qui se sont bousculées dans mon esprit lors de nos derniers jours ensemble. J’entendais bien profiter de chaque seconde passée avec lui, de rester sur des souvenirs incroyables si nous ne devions jamais nous revoir, de lui prouver que ses fantasmes méritaient la même considération que les miens. On ne peut pas toujours comprendre les désirs de l’autre, parfois ils impliquent une transgression, une remise en question de nos propres limites, de notre capacité à aller au-delà de nos tabous, à imaginer des pratiques qui ne nous étaient jamais apparues comme envisageables…
Dès notre rencontre, l’amant m’avait fait part de ses désirs, même si je ne les avais pas pris au sérieux. Le ton ne l’était pas, pourquoi les paroles auraient-elles dû l’être ? Ce n’est que quelques jours après qu’il m’avait avoué, alors même qu’il était en train de me faire l’amour, qu’il était bi. « Enfin non, pas bi, parce que je ne peux pas envisager d’être en couple avec un homme, mais j’aime me faire enculer »…
Un aveu qui m’avait bousculée dans mes certitudes, qui m’avait d’autant plus surprise que le moment n’était pas des plus propices à ce genre de confession. Son sexe plongé en moi, ses yeux fixés sur les miens et cette simple phrase, comme si l’évidence se suffisait à elle-même…
Dès lors, le sujet est revenu régulièrement, sans pour autant que je ne ressente aucune pression quant à ma capacité à satisfaire l’amant. Nous avions acheté un gode pour lui, le sien, lors de notre première visite chez Demonia. Un jouet qui restait proche du lit mais n’avait encore jamais servi. Un gode vierge destiné à me donner le pouvoir de le faire jouir différemment. Un plaisir qui me restait étranger. Ma seule expérience, bien innocente comparée à ce qui allait suivre ce soir-là, avait eu lieu quelques années plus tôt. Un jeune homme que j’avais initié au sexe passionnel et que j’avais accompagné en club échangiste m’avait dit qu’il aimerait découvrir l’effet d’un doigt savamment placé… Quelques jours avant son départ pour un autre continent, je m’étais lancée.
Je l’avais embrassé sur tout le corps avant de le prendre dans ma bouche, profondément, faisant glisser mes lèvres sur son sexe tendu. Puis j’avais pris ses bourses dans une main, jouant avec… Lentement, j’avais dirigé mes doigts entre ses fesses. Il n’avait pas vu venir ce moment. Insérant mon majeur en lui, je continuais à le sucer. L’effet fut presque immédiat et il jouit avec force, excité par la nouveauté et les sensations qu’il découvrait.
Mais revenons à cette soirée d’été…
Nous avions passé une soirée tout à fait normale qui s’était prolongée en boîte de nuit. Au retour, nous avons commencé à nous caresser, à nous embrasser, sans envisager que cette soirée marquerait une étape. Puis, je me suis figée et l’ai regardé dans les yeux en lui demandant s’il voulait qu’on utilise son jouet. Au début, il n’a pas compris, puis il m’a demandé si j’étais sûre de moi. Je me suis donc dirigée vers la boîte qui renfermait nos accessoires et ai pris l’objet.
Des godes, j’en avais vu. J’en avais eu en main et en moi. Mais là, pour la première fois, j’allais l’utiliser sur quelqu’un d’autre… J’ai commencé par mettre du gel sur mes doigts, pour une « entrée en matière ». Alors que je le pénétrais doucement, je gardai mes yeux rivés sur lui, ne lâchant pas son regard ne serait-ce qu’un instant. J’avais besoin de savoir si je lui donnais du plaisir, si je m’y prenais bien, si je ne lui faisais pas mal.
Lorsqu’il me sembla suffisamment excité et que je pris suffisamment confiance en moi pour me placer dans le rôle de celle qui possède, j’ai fait couler du gel sur le gode en l’étalant avec ma main, comme si je le branlais. Je voulais qu’il glisse sans frottement. Lentement, j’ai approché le gode, le plaçant contre son anus, appuyant légèrement. J’avais peur de mal faire, j’hésitais, je n’osais pas forcer. Puis, toujours plongée dans les plus beaux yeux du monde, j’ai pénétré l’amant avec le gode. Doucement. Tendrement. Je le vis entrer dans ce territoire que je ne maîtrisais pas, disparaître sur toute sa longueur.
Cela parut lui plaire, ce qui eut pour effet de me donner un peu plus de confiance. Toujours avec précaution, je fis coulisser le gode, le faisant aller d’avant en arrière, mon ersatz de bite pour prendre l’amant. Je lui demandai alors si cela lui plaisait. Il me répondit que c’était bon, que ça faisait longtemps qui’l n’avait pas ressenti ça. Puis il me regarda et me demanda ce qui renforçait mon plaisir lorsqu’il me pénétrait. Je compris alors qu’il voulait que j’appuie sur son bas-ventre pour qu’il sente mieux le gode en lui.
Perdue dans l’instant, oubliant ce que j’étais en train de faire, ou plutôt ne me posant plus la question de ce que cela représentait, je me consacrai à son plaisir. Je faisant aller et venir le gode tout en appuyant fermement sur le ventre de l’amant, sentant cette masse contre la paume de ma main comme je pouvais sentir sa queue en moi lorsqu’il me prenait. Lui avait pris son sexe dans une main et se branlait avec fougue, sans détourner ses yeux des miens. Puis, le regard de l’amant se brouilla, il se cambra, se raidit de tout son corps et finit par jouir.
Pour la première fois, l’amant me parut perdu : visiblement le plaisir que je venais de lui procurer était aussi intense que celui que je ressentais sous ses doigts. Il avait les larmes aux yeux, il tremblait. Ce soir-là, je compris que l’amant avait le même besoin que moi d’être pris, de se donner, de s’abandonner à l’autre. Pour moi, la sensation était étonnante : j’avais pris l’amant, je l’avais pénétré, je lui avais fait l’amour d’une façon qui ne m’était jamais apparue comme une possibilité. Ce soir-là, j’ai découvert d’autres plaisirs…