Aparté

Depuis le début, je ne fais que raconter mes séances de sexe torride avec l’amant magnifique. Et si ce premier weekend a été l’occasion de tester de nouveaux jeux, ce n’est pourtant pas ce qui m’a le plus marquée. Oui, j’avais déjà découvert la pluie, ce doux liquide chaud qui coule désormais entre mes cuisses dès lors qu’il introduit ses doigts dans ma chatte. Oui, nous avions rapidement visité un sex shop et acquis quelques jouets pour lui, pour moi, pour nous… Mais ce qui me frappa le plus, ce fut autre chose.

Déjà dans le train, je sentis monter en moi cette sensation que je n’avais plus ressentie depuis un bon moment. Lorsque j’ai rencontré l’amant, je sortais d’une histoire. Une histoire sympathique, une histoire qui avait commencé par hasard et s’était terminée un peu de la même façon. Une histoire qui me faisait dire que je ne voulais plus être en couple, que je préférais conserver ma vie telle qu’elle était : sans contraintes, sans comptes à rendre, sans attaches, sans risque de me faire mal…

Et puis le train… La peur d’avoir été trahie, de ne pas le voir arriver, cette peur qui me rappelait de mauvais moments. La peur remplacée par le bonheur de le voir monter dans le wagon, me prendre dans ses bas, s’installer en face de moi… Ce n’était que le début d’une journée où tout allait basculer…

Après nos ébats de fin d’après-midi, nous nous sommes préparés pour aller dîner. Un excellent restaurant. Un moment à part. Une parenthèse gastronomique. Durant le dîner, la conversation se dirigea tout naturellement sur nous, notre rencontre, nos envies, les paroles prononcées dans le train. Il me raconta certains détails de sa vie qui auraient pu me faire fuir ou changer d’avis sur lui, me déranger peut-être, mais il voulait tout me dire parce qu’il…

Je lui demandai de bien réfléchir avant de dire ça. Je sentais ce qui venait, je me savais incapable de résister, ma gorge se serrait, je sentais les larmes emplir mes yeux. Il allait le dire et je n’étais pas préparée, je n’étais pas prête, je luttais contre mes sentiments depuis plusieurs jours et faire face aux siens me semblait insoutenable. Mais il dit ce qu’il avait en tête, il m’annonça qu’il était tombé amoureux de moi, qu’il pensait à moi sans cesse et avait peur de souffrir. Il me dit que j’étais dangereuse.

Dangereuse… Si seulement il avait su… Je m’effondrai intérieurement. C’était trop intense pour moi. Des sentiments que je n’avais pas ressentis depuis longtemps resurgissaient du passé. Et la peur s’empara de moi : la peur de souffrir, la peur de me perdre dans les yeux de cet homme que j’aimais déjà, la peur d’avoir besoin de lui, la peur de vivre quelque chose de beau qui pouvait se finir un jour.

Mon histoire n’a pas toujours été celle d’une salope Hermès. La femme solide qui jouit de sa liberté n’était que la conséquence de trahisons multiples qui avaient fini par construire une carapace d’insensibilité. Pleurer, je ne le faisais plus que devant la télé, mais me laisser aller à tomber amoureuse, à donner mon cœur… J’avais fini par choisir un mode de vie très simple : tant que l’homme avec lequel j’avais une aventure ne me disait pas qu’il voulait qu’on soit ensemble, je considérais que ça restait une simple aventure sans lendemain. Et si l’un se décidait à vouloir quelque chose de plus sérieux, la plupart du temps, j’y mettais un terme. L’engagement ne m’attirait plus, ma liberté me séduisait plus que mes couples d’amis qui me donnaient le cafard avec leur petite vie bien rangée, bien tranquille, sans aucune surprise ni folie.

Je me protégeais depuis longtemps des relations qui pouvaient mener quelque part en choisissant des hommes lointains, avec lesquels je pouvais me raconter des histoires sans pour autant laisser une chance aux choses d’évoluer. Alors quand l’amant fit sa déclaration, tout bascula dans ma tête et dans mon cœur. Je sus que si je ne partais pas c’est moi qui serais en danger : je prenais le risque de m’attacher, d’aimer, et quand j’aime je donne tout…

Le dîner se termina entre sourires et larmes réprimées. J’étais bouleversée. Cet homme que je connaissais depuis deux semaines avait réussi en si peu de temps à me faire découvrir des choses sur moi-même et à voler mon cœur en me faisant de nouveau croire aux contes de fées, en mettant des papillons dans mon ventre et du soleil dans ma tête. La bouteille de champagne qu’il avait commandée restait pleine, je n’arrivais pas à boire, tout se mélangeait dans ma tête. Je plongeais dans ses yeux, souriais bêtement, ravalais mes larmes et luttais contre cet irrépressible envie de me jeter dans ses bras pour m’abandonner à lui… Encore… Toujours…

mai 23, 2015 | Posted by in Chuchotements... | 0 comments

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Les contes de la salope Hermès